Les enseignants d’éducation physique et sportive (EPS) exerçant dans les établissements scolaires de la ville de Brazzaville, la capitale du Congo, sont limités dans la connaissance des symptômes de l’asthme, des facteurs déclencheurs de cette maladie et de la conduite à tenir devant un cas de crise d’asthme.
Ce sont entre autres les principales conclusions d’une étude publiée ce mois de janvier dans la revue scientifique « Médecine d’Afrique noire ».
L’étude a été menée dans des établissements élémentaires et secondaires de Brazzaville par un collège de chercheurs en éducation physique sous la conduite d’Alain Boussana, enseignant et chercheur à l’Institut supérieur d’éducation physique et sportive (ISEPS) de Brazzaville, entre les mois de janvier et mars 2020.
“Les instituts de formation doivent mettre en place des enseignements sur l’asthme, la bronchopneumopathie obstructive chronique, le diabète, l’obésité, la drépanocytose”
Alain Boussana, ISEPS
Sur les 106 enseignants d’EPS interrogés, 90 ont effectivement répondu au questionnaire des chercheurs. Selon les résultats obtenus, 56 % d’enseignants ignorent en effet que « l’asthme est une affection chronique et ne peut être guérie définitivement », révèle l’étude.
De plus, seuls « 6% d’entre eux ont une bonne connaissance de base de l’asthme et 6% déclarent également avoir suivi des séminaires de formation et avoir reçu une formation en soins de l’asthme (…) », lit-on.
Contacté par SciDev.Net, Alain Boussana, auteur principal de cette étude, déclare avoir noté des insuffisances « criardes » dans l’encadrement des élèves asthmatiques pendant les séances d’EPS.
« J’ai suivi des étudiants (en EPS, ndlr) en stage dans les lycées et collèges, face aux élèves déclenchant des crises d’asthme pendant le cours, ils étaient désemparés », relève le chercheur.
Lors des évaluations d’EPS, poursuit Alain Boussana, les élèves performants mais déclenchant une crise d’asthme faisaient des évaluations écrites, « ce qui pouvait être pénalisant », soutient-il.
« Je suis enseignant à l’ISEPS et aucun enseignement n’est dispensé sur les maladies non transmissibles comme l’asthme, l’obésité…. Ces observations ou ce constat m’ont amené à réaliser cette étude », indique l’enseignant.
L’étude indique également qu’à peine « 8% d’enseignants connaissent les symptômes ou les signes fonctionnels de l’asthme aigu et sévère ». Des symptômes qui comprennent entre autres la coloration bleue des lèvres.
Conséquence : 47% d’enseignants d’EPS interrogés se disent prêts à dispenser les sujets asthmatiques de toute activité sportive.
Une décision qui serait inappropriée selon Christian Phambhet, pneumologue à Ouagadougou. D’après ses explications, le sport n’est pas contre-indiqué pour un sujet asthmatique.
« Il suffit de prendre ses précautions et d’avoir toujours un produit approprié pendant le traitement de crise ou un bronchodilatateur à prendre avant l’exercice physique », explique-t-il.
En effet, l’étude souligne que certains sports comme la marche et la natation sont même recommandés pour les personnes asthmatiques. La plongée sous- marine étant proscrite…
Formation des enseignants
Face à ce constat alarmant, Alain Boussana pense qu’un accent doit être mis sur la formation des enseignants d’EPS.
« Les enseignants d’EPS sont des cliniciens non praticiens et doivent donc être informés sur ces pathologies », recommande-t-il.
Il ajoute que les enseignants doivent avoir des connaissances « afin d’agir en cas de crises d’asthme. Les instituts de formation (ISEPS, INJS) doivent mettre en place des enseignements sur l’asthme, la bronchopneumopathie obstructive chronique, le diabète, l’obésité, la drépanocytose…».
Pour conclure, le chercheur estime que l’Etat doit mettre en place dans chaque établissement un centre médical et développer une politique de prise en charge.
Christian Phambhet préconise également « la formation continue des professeurs d’EPS et la sensibilisation des sujets affectés ».
Un avis que partage Desty Nzila, enseignant d’EPS et coach dans plusieurs centres sportifs à Brazzaville et Pointe-Noire.
Ce dernier soutient aussi que « l’étude éveillera la conscience des dirigeants et contribuera à une meilleure prise en charge non seulement des élèves durant l’EPS mais aussi de tout sportif confronté à l’asthme au Congo ».
L’asthme est une maladie respiratoire chronique caractérisée par une inflammation des bronches, suivie d’essoufflement. D’après les données de l’OMS (1), 262 millions de personnes étaient asthmatiques dans le monde en 2019. Au Congo, une étude publiée en 2016 indiquait une prévalence de l’asthme de 5,2 % en milieu hospitalier.
Christian Phambhet pense « qu’il faudra apprendre à vivre avec l’asthme, eu égard à la pollution ambiante et à la dégradation de la nature ».
Source: SciDev.net