Haute fonctionnaire, ancienne dirigeante d’entreprise, ministre durant tout le quinquennat à trois postes différents, Élisabeth Borne est une technocrate plus qu’une politique, relève Anthony Lattier du service politique de RFI. Son profil colle presque entièrement à la fiche de poste qu’a établie Emmanuel Macron.
Le président veut réformer les retraites ? Élisabeth Borne vient de passer deux ans au ministère du Travail, elle connaît le dossier, elle a l’expérience du dialogue avec les syndicats. Le président veut atteindre le plein-emploi ? Elle a travaillé sur les questions de formation et d’apprentissage. Le président veut engager la planification écologique ? Elle a déjà fait voter plusieurs lois, en tant que ministre des Transports, puis ministre de la Transition écologique.
Élisabeth Borne, c’est depuis cinq ans le « couteau suisse » d’Emmanuel Macron. Trois fois ministre, elle ne lui a jamais fait défaut. Sa loyauté et sa solidité sont récompensées.
Là où son profil colle un peu moins, c’est sur le volet politique. Cette haute fonctionnaire n’a pas de poids politique au sein de la macronie, elle n’a pas d’ancrage local, pas l’habitude du terrain, et n’est pas une tribunitienne. Peut-elle mener la bataille des élections législatives à la tête de la majorité sortante ? « C’est là son point faible », reconnaît une ministre.
Une réforme très contestée de la SNCF
Sans compter que son passage au ministère des Transports de 2017 à 2019 n’a pas laissé que des bons souvenirs. La réforme de la SNCF s’est soldée par l’une des plus longues grèves de l’histoire de la compagnie ferroviaire. L’Élysée l’a décrite comme « une femme de gauche avec un engagement social » qui a démontré « sa capacité à mener des réformes ». Mais chez les cheminots, ce n’est pas le souvenir qu’en garde Fabien Villedieu, un des porte-parole de Sud-Rail, également au conseil d’administration de la SNCF.
« De ma petite lorgnette à moi, je n’ai pas vraiment vu beaucoup de dialogue social dans le cadre de la réforme du système ferroviaire en 2018, déclare-t-il au micro de Charlotte Cosset du service Économie de RFI. Je pense qu’on n’en a pas gardé un très bon souvenir, vu qu’on a fait quand même trois mois de mobilisation, trois mois de grève justement. Elle a quand même réussi à mettre la fin des embauches au statut, ce qui fait que la SNCF est devenue une boîte où il y a un turnover énorme, c’est-à-dire que les cheminots ne restent plus à la SNCF, partent et on a de gros problèmes de production. Et le deuxième volet de sa réforme, ça a été également la transformation de la SNCF en société anonyme, qui est le premier pas vers la privatisation, privatisation dont on va tous s’en mordre les doigts. Je n’ai pas beaucoup d’attentes. Moi, j’ai vu Élisabeth, ministre des Transports, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on a été déçus. Au ministère de l’Écologie, citez-moi une grande mesure écologique de ce gouvernement-là, et au ministère du Travail, ce n’est pas mieux. C’est sûr que s’ils continuent à faire ce qu’ils ont fait depuis cinq ans, c’est-à-dire en gros taper sur les salariés, les gens les plus pauvres de la société, au bout d’un moment, ça va craquer. »
Quelle transition écologique pour le prochain mandat ?
Ministre de l’Environnement dans le deuxième gouvernement d’Édouard Philippe, elle a occupé cette fonction un peu moins d’un an, rappelle Simon Rozé, du service France. Un mandat marqué par l’adoption de trois chantiers parlementaires : la loi énergie-climat, celle d’orientation sur les mobilités et la création du plan vélo, ainsi qu’un texte sur l’économie circulaire.
Mais de l’avis de beaucoup d’associations et d’ONG, son passage à ce ministère ne restera cependant pas dans les annales, Élisabeth Borne n’ayant pas réussi, comme nombre de ses prédécesseurs, à mettre les enjeux climatiques au centre des décisions de l’exécutif.
Désormais Première ministre, elle aura la main et vraisemblablement plus de latitude. Le premier test aura lieu d’ici à la fin de l’année avec la loi programmation climat, texte essentiel puisqu’il établira pour les cinq prochaines années les moyens accordés à la transition écologique. Quelques mois plus tard, viendra l’examen de la programmation énergie-climat. Là aussi, un texte fondamental, car il doit fixer dans tous les secteurs les objectifs à tenir pour parvenir à la neutralité carbone en 2050.