Du 7 au 9 septembre 2022, j’ai assisté aux travaux d’un peu plus de 230 hématologues africains francophones, réunis à Grand-Bassam. Ils sont arrivés de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Congo Brazzaville, de la France, de Madagascar, du Niger et autres pays, dont les hématologues sont membres de la Société Africaine Francophone d’Hématologie (SAFHEMA) qui tenait son 11è congrès.
Les participants ont planché au cours des échanges sur les thèmes « Hémopathies malignes-Drépanocytose » qui incluaient toutes les dernières innovations en matière de traitement de maladies du sang liées aux cancers et à la drépanocytose.
Professeur Liliane Siransy, présidente de la Société ivoirienne d’Hématologie-Immunologie-Oncologie-Transfusion sanguine (SIHIO-TS) a révélé que « 10 864 499 nouveaux cas » d’hémophaties malignes ont été recensés dans le monde en 2022 avec « Plus du quart (26%) des cancers [est] observé en Europe. »
« La drépanocytose est une 1ere maladie génétique grave qui altère la fonction de l’hémoglobine » a soutenu Professeur Siransy, indiquant que « Selon l’OMS, chaque année, 500.000 bébés naissent avec la drépanocytose, 60 à 80% meurent avant l’âge de 5 ans et plus de 75 % des drépanocytaires vivent en Afrique. Pour ceux qui passent le cap des 5 ans, la drépanocytose est une maladie invalidante. »
C’est la raison pour laquelle, les experts francophones de l’hématologie, recommandent une coopération Sud-Sud pour les traitements.
Associer les forces africaines
Des échanges et communications, j’ai retenu cette volonté des experts de la santé d’Afrique francophone de mettre fin à la dépendance extérieure.
Professeur Gustave Koffi, président du comité d’organisation du 11è congrès, a estimé que l’objectif fixé par Professeur Sangaré Amadou, inspirateur de la SAFHEMA, est de « fédérer les énergies et renforcer la coopération Sud-Sud ». « Nous partagerons nos expériences » a-t-il soutenu.
Un enjeu de cette rencontre de Grand-Bassam selon le président de la SAFHEMA, Professeur Elira Alexis du Congo Brazzaville, déterminer le « type de traitement adapté aux conditions africaines et continuer le plaidoyer pour que nos pays mettent en place rapidement la couverture sanitaire universelle pour que les soins soient égaux pour tous. »
Selon Professeur Elira, « Ces réunions sont importantes car elles permettent d’obtenir un consensus qui doit s’étendre à toute l’Afrique, hors langue. »
« C’est pourquoi la Société Africaine d’Hématologie doit se constituer des anglophones, des lusophones, des francophones et que le colonialisme scientifique cesse » a-t-il recommandé.
Dans cette dynamique, Professeur Abibatou Sall, chef de service hématologie et de la banque de sang de l’hôpital Thiam de Dakar a présenté l’expérience de l’immunophénotypage avec le cytomètre à 8 couleurs au Sénégal pour le traitement des leucémies aiguës. Pour réduire le coût de la prise en charge élevée, elle préconise « que nous, Africains, on puisse s’asseoir autour d’une table et qu’on se dise comment faire pour acheminer les prélèvements à Dakar au lieu qu’ils partent outre-mer parce que les anticorps utilisés en France ou aux Etats-Unis sont les mêmes qu’on utilise à Dakar, alors pourquoi envoyer les prélèvements hors de l’Afrique pour que nos patients paient plus chers pour la même qualité de service. »
A Dakar, le patient débourse 50.000 F mais, prévient Professeur Sall, « si on sous-traite ailleurs on paiera trois fois plus soit 150.000 FCFA ».
Impact de la Covid-19 dans les traitements de cancers
La pandémie à Covid-19 bien eu une incidence sur le travail des médecins-chercheurs en charge du traitement des cancers.
« La Covid-19 a eu un impact très important dans les analyses en hématologie car on s’est rendu compte que, en réalité, les cas graves de covid-19 en hématologie, c’était surtout des perturbations de l’hémostase, des événements trombotiques qui arrivaient » soutient Prof. Abibatou Sall.
Prof. Innocent Adoubi a préconisé la création d’un « fonds cancer » qui recevrait « les ristournes du tabac » pour la lutte contre le cancer.
Dr Ngo Sack Françoise, chef service d’hématologie et d’oncologie médicale à l’hôpital centrale de Yaoundé, regrette que « les avancées ne sont pas des avancées africaines » en matière de soins anti-cancéreux.
L’exemple du Centre national de radiothérapie et d’oncologie Alassane Ouattara, à Abidjan, a retenu l’attention des congressistes.
Son premier responsable, Prof. Didi Kouko a expliqué que la confiance créée avec les patients concourt à un bon recouvrement des frais de soins. Aussi, recommande-t-elle, un recouvrement « sans choquer les dignités » car les paiements se font après les soins. Elle a insisté : « Pour un traitement efficace du cancer, il faut un diagnostic précoce. »
Prof. Innocent Adoubi, directeur du Programme national de lutte contre le cancer en Côte d’Ivoire, a assuré que « depuis 2018 les médicaments ont pu mettre en évidence les possibilités de reconnaître [des] molécules à la surface des tumeurs pour qu’elles soient désactivées et c’est comme ça qu’aujourd’hui dès les approches, devant n’importe quel type de cancer, on peut démasquer les molécules qui sont à la surface de ces cellules tumorales de pouvoir faire en sorte que tous les systèmes immunitaires classiques qui permettent de détruire la tumeur soient actifs. »
Adam’s Régis SOUAGA