20 ans se sont écoulés mais il est trop tôt malheureusement pour vouloir servir « la vraie » histoire de la rébellion ivoirienne du 19 septembre 2002. On lit des bouts de vérité, celle relative de celui qui rapporte le fait. Mais, une constance se dégage…la rébellion du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), du Mouvement patriotique ivoirien du grand Ouest (MPIGO) et le mouvement pour la justice et la paix (MJP) qui ont fusionné pour donner plus tard les Forces Nouvelles (FN), a « mangé » ses enfants.
Les survivants se cherchent dans un mutisme coupable quand certains ne se livrent pas à des repentis. Comme s’ils regrettaient, 20 ans à peine, leur acte. N’ont-ils pas raison ?
Quand le 19 septembre 2002, à 3h du matin, les premiers coups de feu sont entendus dans la ville de Korhogo, sur une chaîne cryptée, passe le film Roméo et Juliette. Jusqu’à 5h, les tirs ont cessé et un calme plat règne sur la capitale de la région des Savanes. Plus tard, on apprend sur i Télé, qu’une tentative de coup d’Etat est en marche. On pensait alors à une histoire de quelques jours pour que l’histoire, déjà tumultueuse du pays, avec une « élection calamiteuse » pour la présidentielle, se poursuive tranquillement. Que nenni !
La crise va s’enliser. Avec une partition du pays, l’économie de la zone Centre, nord et Ouest sous contrôle des Forces Nouvelles, va s’organiser d’abord avec la « dirmob » puis plus tard « la Centrale ».
Entre temps, les multiples com-secteurs, soldats de carrière ou non, policiers, gendarmes, qui ont intégré la rébellion, prenaient pour la majorité leurs ordres auprès des figures de proue rentrés du Burkina Faso. Plus tard, ils seront les 10 commandants de zones dont 8 étaient en exil. Le temps passant, les manipulations politiques ont commencé à avoir raison de la solidarité du groupe. On a assisté à une bataille entre pro-IB et pro-Soro. Bamba Kassoum alias Kass qui était sous commandement de Tuo Fozié à Bouaké y laisse la peau. A Korhogo Atta Bibi Chérif va mourir l’arme à la main. Adam’s Coulibaly, « le tombeur » de Man, sera éliminé à Korhogo et sa garde libérienne rapatriée. Bien avant, Doh Félix, le chef du MPIGO avait trouvé la mort, pris qu’il avait été dans un deal sur les armes. Le temps a passé…
A partir de 2004, Guillaume Soro prend en mains le mouvement et le restructure, mettant en place une discipline et une organisation qui n’a pas été prise à défaut. Entre 2003 et 2004, les coaches étaient multiples et les centres d’instruction pluriels. Conséquence, des querelles armées et des morts.
Dans la foulée, des intrus sont découverts. Ils avaient des agendas doubles et tentaient de retourner des éléments civils et même militaires, leur présentant Guillaume Soro comme un traitre. Dès que la question de l’arrivée de Guillaume Soro à la primature, c’est la totale! Chefs militaires, civils…dans les ex-zones CNO, un vent contraire souffle. On s’interroge sur cette opportunité. Mais, personne ne prend sur lui de poser la question de façon frontale à Soro, on le diabolise en coulisses et des opérations de protestation sont ourdies. Tout n’aura pas été rose. Le doute s’est emparé de plusieurs cadres de la rébellion surtout à l’orée des élections présidentielles de 2010. Le souhait de tous car mettant en confrontation les leaders politiques du pays, sur le ring électoral, pour la première fois. Alassane Ouattara en sortit grand vainqueur ! Là encore, il a fallu guerroyer pour faire asseoir le vainqueur car mauvaise foi oblige, Laurent Gbagbo, s’était refusé à reconnaître sa débâche électorale.
C’est l’ossature des Forces Nouvelles qui va servir de socle à la nouvelle armée que l’on tentera plus tard de purger de milliers de soldats estimés pro-Soro. Pourtant…ces milliers de jeunes se sont engagés pour une cause, la reconnaissance de leurs droits civiques et juridiques dans une Côte d’Ivoire où les Nordistes étaient devenus des sous-Ivoiriens. Et…
Le temps a passé et avec lui, l’épreuve de la résilience, de la traversée du désert, de la méchanceté, de l’hypocrisie, de la fourberie, du faux. Ceux qui au sein des Forces Nouvelles avaient un agenda caché et dont les instructions étaient bien contraires à celui que beaucoup dans le mouvement croyait, se sont dévoilés au fil du temps. Les militaires, policiers, gendarmes, étudiants incorporés, civils passés sous le drapeau, étudiants de la FESCI, ont changé de statut. Ils sont maintenant au service de la République dirigée par Alassane Ouattara.
Du 19 septembre 2002 à ce jour, c’est comme si 20 jours sont passés tant des choses invraisemblables se déroulent sous nos yeux. Des acteurs soutiennent que si c’était à refaire, on ne les reprendrait plus si c’était pour subir ce qu’ils estiment être une injustice. La première victime de cette affaire n’est autre que Guillaume Soro. Aujourd’hui en exil, il se demande bien ce qu’il se passe. 20 ans après, des questions…sans réponses. Beaucoup de jeunes engagés sont morts. Pas forcément au front.
Mobio, Koné Moussa, Kané Adama, com-secteur de Sinématiali, Koffi Kouadio à Ferké, Hamdallah, Baladji à Pogo, Frédéric Kouamé, Sékongo (Guépard), Bob Lass, Wattao, Yougou yaga (Anaconda), Caïn, Inza Karamoko, Kolo Cobra, Maurel…et de nombreux jeunes anonymes partis dans le ventre de la nuit. Les survivants observent le scénario se dérouler, se demandant…à qui faire confiance…dans un épisode réécrit par de nouveaux braves.
Une certitude, ceux qui racontent la rébellion n’ont pas Vraiment la Vraie histoire. Une Histoire qui s’écrit encore et ceux qui savent, ne parleront jamais, quand ceux qui en parlent…ne savent pas ou dénaturent la réalité des faits. Malheureusement.
Adam’s Régis SOUAGA