Dans une vidéo qui circule depuis quelques jours sur les réseaux sociaux, on peut entendre Ahoua Don Mello, ex Dg du Bnetd et cadre du PPA-CI, affirmer que le coût du Train Urbain d’Abidjan, initialement projeté à 100 milliards de FCFA a été porté à plus de 1000 milliards de FCFA, du seul fait d’avoir été rebaptisé « Métro d’Abidjan ».
Ayant travaillé sur le projet du Train Urbain d’Abidjan, de 1996 à 1999, lorsque j’étais Conseiller Juridique et Fiscal du Bnetd, sous Tidjane Thiam, je souhaiterais, à travers cette contribution sommaire, apporter quelques précisions sur, d’une part, le projet du Train Urbain (A) et, d’autre part, sur le Metro d’Abidjan (B).
Ces précisions devraient permettre de mieux évaluer le coût des deux projets et de les comparer, à titre d’exemple, au projet de Train Express Régional de Dakar (C). Un tel exercice est de nature à révéler s’il y a eu ou non surfacturation sur le projet ivoirien.
A – LE PROJET DU TRAIN URBAIN D’ABIDJAN
Le projet du train urbain était un des projets phares du programme des 12 Travaux de l’éléphant d’Afrique conçus par le président Bédié. Il a été textuellement repris par le président Gbagbo.
Dans sa conception originaire, ce projet assez basique, avait été conçu pour minimiser au maximum les investissements, en s’appuyant sur le tracé existant d’environ 30 km du chemin de fer exploité par la Sitarail, d’Anyama à Port-Bouët. En l’absence de constructions nouvelles, l’essentiel des investissements concernaient l’achat des rames de train et le système de signalisation. L’écartement colonial métrique des rails était conservé au lieu de l’écartement standard (1435 mm) qui lui offre plus de choix en termes d’équipements. Ainsi conçu, il devait coûte 90 milliards, dont 45 milliards pour les équipements électriques et 45 milliards pour les rames de trains.
Faute d’avoir connu un début d’exécution, de 1996 à 2011, le projet du Train Urbain est resté au stade des études préliminaires.
B – LE PROJET DU MÉTRO D’ABIDJAN
Si, dans sa conception, le projet du Train Urbain était somme toute assez simpliste, le projet du Métro d’Abidjan est lui bien plus ambitieux, tant dans sa conception que dans ses fonctionnalités.
De nombreuses infrastructures et superstructures composent la ligne 1 du projet qui, si lui aussi, à l’instar du Train Urbain, utilise les emprises actuelles du chemin de fer Anyama – Port Bouët, prévoit la construction notamment :
- d’une nouvelle voie ferrée de 37,5 km, aux dimensions standard de 1435 mm, à côté de la voie coloniale métrique actuelle.
- 20 stations/gares
- 21 ponts rail-route
- 1 pont viaduc sur la Lagune Ebrié. Il s’agit d’un nouveau pont rail qui va jouxter le pont FHB.
- 40 passerelles piétonnes
C’est un projet intégré et multimodale qui permettra de fluidifier et d’interconnecter différents moyens de déplacements, dont notamment les bateaux- bus, les bus, taxis, partira du centre d’Anyama et rejoindra la plateforme aéroportuaire (aérocité).
C – LES COÛTS DE FINANCEMENT DU MÉTRO D’ABIDJAN ET DU TER DE DAKAR
1 – Le métro d’Abidjan
Retardé par les indemnisations des riverains, ce projet, dont les emprises à ce jour sont libérés à 95% sur la partie nord, et 85% sur la partie sud du tracé va coûter entre 1,3 milliard et 2 milliards d’euros. Il est entièrement financé par la France et l’Etat de Côte d’Ivoire. Il est conduit par les groupes français Bouygues, Colas, Alstom et Keolis. Ce métro à ciel ouvert, composé de vingt six (26) trains de cinq voitures est dimensionné pour transporter un peu plus d’un demi-million (540.000) de passagers par jour en 2025.
2 – Le TER de Dakar
À titre de comparaison, le train express de Dakar (36 km et 115 000 passagers par jour), inauguré en décembre 2021, après 5 ans de travaux, a couté un peu plus de 1, 1 milliard d’euros (plus de 1,5 milliard d’euros selon l’opposant Ousmane Sonko). Il dessert à l’aide de 15 rames bi-mode de 4 voitures, 13 gares, de Dakar à Diamniadio. Une vingtaine d’entreprises françaises, dont Eiffage, Engie, Thales, SNCF, ont participé au projet.
CONCLUSION
Par sa conception et ses fonctionnalités, le projet initial du Train Urbain d’Abidjan, tel que conçu en 1996 est diamétralement différent du Métro d’Abidjan qui lui est un projet beaucoup plus ambitieux. De ce point de vue, il est tout à fait logique que ce dernier, réalisé plus de 25 ans après, coûte beaucoup plus cher que le train urbain.
Comparé au TER de Dakar, les coûts rapportés aux différents investissements sont sensiblement les mêmes. Objectivement, il n’y a donc pas lieu de croire qu’il y est eu surfacturation.
Selon Don Mello, c’est le passage du Train urbain au métro d’Abidjan qui justifie ce surcoût. En réalité, il n’en est rien. L’appellation du projet n’a pas d’impact sur la réalité des investissements. S’il est vrai que dans notre subconscient collectif, metro renvoie à une circulation souterraine, ce n’est pas une norme établie. Ainsi, à Paris par exemple, 26 stations de métro sont aériennes. Celui de New York est construit à 40% en aérien, alors que celui de Bangkok est entièrement aérien. De ce point de vue, l’appellation de métro urbain ne peut être considérée comme galvaudée ou surfaite.
Par Jean Kouadio Bonin