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Actualité

Face aux suicides- Le COJEP établit son constat, interroge et fait des propositions au gouvernement (Déclaration)

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Depuis quelques semaines, l’actualité en Côte d’Ivoire est marquée par la découverte de plusieurs scènes de suicides (tentative comprise) présumés.

LES FAITS

Le 25 décembre dernier, jour de Noël, le corps sans vie d’un adolescent de 17 ans est découvert pendu au portail de son domicile familial situé dans la ville d’Akoupé.

Le 14 janvier 2023, un étudiant est retrouvé pendu à la fenêtre d’un bâtiment de l’Université Félix HOUPHOUET-BOIGNY de Cocody.

Cinq (05) jours plus tard, soit le 19 janvier 2023, un jeune homme a tenté de se suicider en se jetant d’un bateau bus de la SOTRA naviguant sur la lagune Ebrié, avant d’être repêché de force par une équipe de sauvetage.

Le lundi 23 janvier 2023, un élève en classe de 3e dans la ville de Sikensi se serait donné la mort en se tranchant la gorge pendant qu’à Divo, une éducatrice aurait été retrouvée pendue.

L’ANALYSE

Les faits ci-dessus exposés qui se sont produits en moins d’un mois dans notre pays, qu’il n’est plus possible d’appréhender comme des faits isolés et banals, après un décompte macabre de cinq (05) décès dans des conditions peu communes, sont assurément révélateurs d’un mal-être profond et du malaise muet vécus dans notre société.

Les autorités compétentes n’ont certes pas encore révélé les circonstances exactes de ces décès, toutefois, le constat empirique de ces drames, choque, inquiète et interpelle la conscience collective.

En effet, toutes ces victimes ont en commun d’avoir tenté ou réussi à mettre fin à leur vie par la voie du suicide, plus précisément par la pendaison, l’égorgement et la tentative de noyade.

Loin de la guerre des chiffres et du rang peu glorieux qu’occupe la Côte d’Ivoire en Afrique en matière de suicide (3e taux le plus élevé en Afrique avec 23 cas par an, selon une étude de l’Unité de Médecine Légale du service d’Anatomopathologie du Centre Hospitalier Universitaire de Treichville), il n’est pas contesté que de mémoire d’Ivoirien, jamais notre pays n’a connu autant de suicides présumés ou avérés en si peu de temps, avec la particularité que 3 sur 4 des victimes décédées, deux élèves et un étudiant, sont âgées de moins de 20 ans.

De ce triste constat, émergent de nombreuses interrogations, notamment : les Ivoiriens désespèrent-ils de leur avenir ? Ou plus précisément la jeunesse ivoirienne dans sa majorité a-t-elle perdu foi en des lendemains meilleurs ? Pourquoi ce nouveau phénomène de société prend-t-il autant d’ampleur au sein de notre jeunesse ? Pour quelle(s) raison(s) des adolescents pleins de vie peuvent-il s’ôter la vie ? Ces suicides présumés ne pourraient-ils pas être des signaux pour interpeller, alerter les parents, les dirigeants et la société entière sur la détresse de cette frange fragile qui représente l’avenir de la Côte d’Ivoire ? Ces suicides pourraient-ils être en réalité des assassinats déguisés ?

À ce jour, les causes de ces suicides présumés ne sont pas connues. Toutefois, la santé mentale qui constitue une cause objective des suicides devrait faire l’objet d’une attention particulière de nos dirigeants. On le sait, plusieurs facteurs sont susceptibles d’affecter la santé mentale d’un individu, au nombre desquels le chômage, le manque de perspectives ou encore la consommation de substances psychotropes ou drogues, qui, en dépit des efforts du gouvernement, continue de gangrener notre jeunesse. C’est un secret de polichinelle, que les enceintes et encablures de nos établissements scolaires sont des cibles privilégiées des dealers.

Il existe certes une liste non exhaustive de causes de suicide, mais le fait de se donner intentionnellement la mort est généralement suscité par un sentiment d’impuissance face à une situation donnée et de désespoir chez celui qui en prend l’initiative.

Ce sentiment d’impuissance et de désespoir naît lorsque l’individu fait face à des obstacles qui lui paraissent insurmontables, notamment face aux échecs sociaux et à l’absence de perspectives. S’agissant plus spécifiquement de l’absence de perspectives, elle s’observe particulièrement chez les jeunes, diplômés ou non, qui, bien souvent, ne perçoivent aucune lueur d’insertion professionnelle ou de progrès social. La situation des docteurs récemment condamnés par la justice en est un exemple patent.

Par ailleurs, l’âge adolescent de trois des victimes, doit interpeller la société ivoirienne sur l’état de notre jeunesse, aujourd’hui plus que jamais, en manque de repère, de modèle et de valeurs. Les suicides de ces adolescents de 17 ans à 20 ans, sont révélateurs de la détresse profonde de cette frange de la population. C’est un appel au secours auquel la société toute entière et plus particulièrement nos dirigeants ne doivent pas rester sourds.

En attendant d’avoir des éclairages sur les circonstances de ces décès, et au regard de ce qui précède, le Congrès panafricain pour la Justice et l’Egalité des Peuples (COJEP), parti politique attaché au respect de la vie humaine et engagé à œuvrer au bien-être et au bonheur des Ivoiriens, invite le gouvernement à :

  • Promouvoir la santé mentale ;
  • Créer des structures sanitaires spécialisées dotées d’équipements conséquents ;
  • Former et recruter davantage de spécialistes en santé mentale ;
  • Assainir l’environnement de nos établissements scolaires et universitaires ;
  • Mettre sur pied des structures d’accompagnement psychologique dans les établissements scolaires et universitaires ;
  • Créer les conditions de la réussite sociale pour tous, articulée autour d’un système de formation en adéquation avec les objectifs de développement ;
  • Promouvoir l’égalité des chances pour l’insertion professionnelle des jeunes ;
  • Promouvoir la solidarité nationale marquée par le soutien aux plus démunis et la lutte contre la pauvreté, comme gages d’équilibre de la cellule familiale et de la foi toujours réaffirmée en des lendemains meilleurs ;
  • Lutter contre le trafic de psychotropes, notamment à l’égard des jeunes ;
  • Fournir suffisamment de moyens scientifiques à la police, à l’effet de lutter efficacement contre la criminalité grandissante.

Pour finir, le COJEP invite d’une part, le gouvernement à prendre instamment les mesures idoines à l’effet de mettre un terme à cette série de drames et, d’autre part, l’ensemble des Ivoiriens à s’investir, dans un élan de solidarité mutuelle, dans la lutte contre ce problème de santé publique.

 

        Fait à Abidjan, le 25 janvier 2023

 

Pour le COJEP

Le Secrétaire Général

Dr Patrice SARAKA