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Littérature : « Il ne faut pas être prisonnier des honneurs », Serge Bilé (ITW)
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6 moisle
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KohetDésigné auteur à l’honneur de l’édition 2024 du Salon International du Livre d’Abidjan (SILA), le journaliste, écrivain et producteur Serge Bilé a déclaré qu’il ne faut pas être prisonnier des « honneurs ». A travers une interview avec Laurore, le Prix Bernard Dadié de la littérature SILA 2018 a donné son opinion sur la lecture en Côte d’Ivoire.
Pour cette 14ème édition du Salon International du livre d’Abidjan (SILA), qu’est-ce que ça vous fait d’être auteur à l’honneur ?
C’est toujours un plaisir. Je veux dire que même si on est reconnu à l’extérieur, à l’étranger, même si on est reconnu dans des sphères beaucoup plus grandes que la Côte d’Ivoire, c’est un plaisir différent, et c’est un grand plaisir d’être invité chez soi et d’être l’auteur à l’honneur chez soi. Donc je suis très content, parce que ça tord le cou à une maxime bien connue, à savoir que, “nul n’est prophète chez soi”. Et donc je suis très content d’être là et ça me fait encore plus plaisir de partager avec les lecteurs et les lectrices de la Côte d’Ivoire.
En tant qu’auteur à l’honneur, avez-vous un message à faire passer aux lecteurs, aux écrivains ?
J’ai déjà dit quelque chose ce matin (cérémonie de proclamation de résultat SILA, ndlr) où je disais par rapport aux écrivains qui ont reçu des prix. Je leur expliquais ce matin cette expérience que j’ai vécue avec Aimé Césaire, qui avait été quelqu’un de très humble qui, lorsqu’on lui avait proposé le prix Nobel, il avait refusé pour pouvoir exprimer son humilité, et je disais que c’est bien de recevoir des prix, mais il ne faut pas être prisonnier des honneurs et qu’il faut savoir que le plus important, c’est de continuer à travailler. C’est le travail qui libère. Et naturellement, à travers cela, c’est un bon nombre de combat qu’il faut mener en tant qu’écrivain, c’est le combat pour la liberté, pour l’égalité, pour la fraternité. Et maintenant s’il y a un autre message à donner, cette fois-ci pour les lecteurs et les lectrices en général, c’est de leur dire que, n’oubliez pas, comme le dit le salon que le livre est un pari gagnant. C’est à dire que ce monde dans lequel on lit de moins en moins, c’est un monde justement qui fait peur, parce que plus vous lisez, plus vous construisez votre mémoire, plus vous construisez votre histoire, plus vous construisez votre imaginaire, et plus vous transformez votre réel, parce que justement vous avez des armes pour pouvoir affronter les difficultés du quotidien.
Donc, dans l’appel qu’on pourrait lancer, c’est inciter de plus en plus de jeunes à lire parce que lire, c’est important.
Quelle est l’opinion que vous vous faites de la lecture en Côte d’Ivoire ?
En fait, ce qu’il se passe en Côte d’Ivoire n’est pas différent de ce qui se passe ailleurs. Moi je l’ai vécu, en Martinique, je le vois en France. Les jeunes et les gens lisent de moins en moins, c’est une réalité. La réalité a été amplifiée par les réseaux sociaux, où c’est beaucoup plus facile de regarder une story sur WhatsApp ou bien sur Facebook, ou un Tiktok, que de prendre un livre de 150 ou 200 pages, même si nous on écrit des livres qui sont beaucoup moins épais, qui font 150 pages. Mais il y a des gens qui peuvent s’attaquer à des livres 300 ou 400 pages. Aujourd’hui, c’est devenu de plus en plus rare.
Mais ce n’est pas quelque chose qui est adressée spécifiquement à la Côte d’Ivoire, parce que c’est un phénomène général, il faut inciter toujours plus les gens, surtout les jeunes, à lire à travers l’école, à travers aussi la famille, et ça c’est un combat quotidien, nous les auteurs, on prend notre part puisque nous faisons un travail de recherche qui permet de pouvoir construire des récits qui aident un certain nombre de gens à approfondir leurs réflexions, mais aussi, à mieux connaître leurs histoires, parce que quand on connaît son passé, on sait où on va. Nous on fait notre part, il faut maintenant que les lecteurs, lectrices fassent leur part en essayant de faire un effort. Quelques fois un poisson braisé, ça coûte 5.000fcfa. Un livre, ça coûte 5.000fcfa, on peut se passer de temps en temps d’un poisson, parce que tout ce qu’on apprend dans un livre, ce n’est jamais perdu.
« Ma plus grande fierté, c’est d’avoir déterré des personnages, qui n’étaient pas connus »
Quel est le genre littéraire qui est plus apprécié dans vos œuvres ?
Mon genre littéraire, il est tout simple, j’écris des essais historiques, c’est à dire que je pars toujours des faits historiques, qui sont récents comme la deuxième guerre mondiale, ou très lointain comme le moyen âge. C’est ça qui me passionne, j’adore l’histoire, et naturellement essayer de retracer le parcours de certains hommes, de certaines femmes qui ont marqué l’histoire de l’Afrique ou de sa diaspora.
C’est passionnant parce que ces gens ont été complètement oubliés dans l’histoire aujourd’hui. Les gens sont heureux de découvrir l’histoire du passager noir du Titanic alors qu’on n’a jamais parlé de lui dans ce drame, dans cette catastrophe de ce paquebot, de découvrir aussi le premier samouraï noir à travers Yasuke dont tout le monde parle aujourd’hui, parce que c’est un homme dont j’ai déterré l’histoire aussi, et puis de découvrir un certain nombre de personnage comme ça, parce que justement nous avons joué un rôle dans l’histoire. Ce rôle a été évacué, oublié, c’est à nous maintenant de réhabiliter tout ça.
Quelle est votre plus grande fierté ?
Ma plus grande fierté, c’est d’avoir déterré des personnages, qui n’étaient pas connu et de voir aujourd’hui que tout le monde en parle comme si c’était un phénomène naturel. Ça aussi c’est ma plus grande fierté, quand je sais qu’on fait des films, on fait des séries sur Yasuke le premier Samouraï noir, je suis forcément heureux, je ne cherche pas à tirer le bénéfice de cela. Mais j’estime que le travail d’exploration que je fais, a fini par payer, et c’est pareil pour d’autres sujets. Et aujourd’hui, évoquer la question de noirs dans le camp de concentration pendant la seconde guerre mondiale, alors que, c’était quelque chose, je ne dis pas que c’est tabou mais dont on ne parlait pas, je suis content, je suis heureux, que ça se fasse. Maintenant il faut que nous nous battions pour retrouver toute notre place sans l’histoire sans attendre, que ce soit les autres qui le fassent pour nous.
“Quand on a la chance d’avoir serré la main des deux, c’est toujours quelque chose qui marque”
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Vous avez rencontré plusieurs présidents dans votre carrière, en l’occurrence feu le président Félix Houphouet et Aimé Césaire, lesquels des deux vous ont marqué ?
En fait, ce n’est pas les mêmes choses. Aimé Césaire, c’était la notion du poète et du combattant de la liberté qui m’a beaucoup plu et puis son humilité que j’ai pu ressentir au quotidien. Félix Houphouët Boigny, c’est aussi la dimension du combattant et de l’homme qui a dû aussi composer avec des situations qui n’étaient pas toujours faciles. Il y avait aussi des ombres. Voilà, c’est tout ça, mais ce sont des personnages historiques passionnants. Quand on a la chance d’avoir serré la main des deux, c’est toujours quelque chose qui marque, et naturellement, les récits que je donne, sont des récits qui sont complètement différents. Parce que l’un était président, et l’autre n’a été député et maire. Mais un député, maire et poète qui a eu une dimension planétaire.
Vous préparez une comédie musicale depuis quelques temps, pouvons-nous avoir de plus amples informations ?
La comédie musicale s’appelle Houphouët. Il y a une troupe de 40 personnes, l’idée c’est de raconter l’histoire de la Côte d’Ivoire dans son accession à l’indépendance, à travers un spectacle familial, où on peut y aller avec ses enfants. Et l’idée, c’est de faire en sorte qu’on puisse permettre aux jeunes générations, où on dit qu’elles ne connaissent pas assez bien l’histoire de la Côte d’Ivoire, de pouvoir approcher cette histoire à travers un autre billet qui est la musique.
Interview réalisée par Sandra KOHET
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