Au terme d’une rencontre avec les chefs de village du canton Faafouè de Bouaké, Nanan N’goran Koffi II a accepté de répondre aux questions de Laurore.net liées aux violences relevées dans la région de Gbèkè au cours du scrutin présidentiel du 31 octobre 2020.
Nanan N’goran Koffi II, vous venez de rencontrer les chefs de village. Quel était l’objet de cette rencontre ?
N.K: Cette rencontre que nous avons initiée depuis le mardi 3 novembre 2020, visait à apaiser les populations du département de Bouaké. Nous avons parcouru tous les cantons à commencer par le canton Faari. Nous avons été dans le canton Dôhoun et dans le canton Saaha. Après nous nous sommes rendus dans le N’dranouan. Nous avons parcouru aussi le Ahaly à Brobo. Et là-bas nous avons rencontré les populations, les jeunes, les femmes et les chefs de village des différents cantons Ahaly. Donc nous bouclons aujourd’hui (samedi 7 novembre) à Kouassiblékro, chef-lieu du canton Faafouè. Ce sont tous les chefs de villages, des jeunes, les présidentes des femmes qui ont été conviés pour échanger avec eux et surtout écouter leurs préoccupations car la Côte d’Ivoire a besoin de paix. Il y a eu trop de rumeurs qui ont suscité assez de violences et de morts. Pour le département de Bouaké, Dieu merci, nous n’avons pas enregistré de morts. Pendant notre tournée, nous avons demandé l’union des chefs dans le département de Bouaké. Pour accompagner cet élan de solidarité, nous avons prévu rencontrer les confessions religieuses, les Malinké et les autres ethnies, les associations de jeunes qui vivent en parfaite harmonie avec nous dans la ville de Bouaké pour expliquer aux uns et autres qu’il n’y a pas d’animosité depuis très longtemps entre nos populations. Au contraire il n’y a que le brassage de ces populations, le vivre ensemble. Nous les avons écoutés et ce ne sont que des rumeurs qui ont les ont poussées à dresser des barricades pour selon eux s’auto-défendre. Nous avons pu enlever cet obstacle et nous nous sommes compris.
Comment expliquez-vous cette violence jamais observée dans le peuple Baoulé ?
N.K le peuple Baoulé est un peuple de paix. Depuis notre migration du Ghana vers la Côte d’Ivoire, nous n’avons jamais connu ce genre de situation. Mais, en 2002, nous avons connu une crise très atroce. C’est pour cela, que les populations se sont barricadées pour s’auto-défendre. Mais, nous leur avons demandé de se référer à leurs chefs qui à leur tour de réfèreront aux autorités compétentes pour des cas pareils afin de les sécuriser. Et ils nous ont bien compris.
Après cette caravane, le peuple Baoulé va vivre désormais en parfaite harmonie avec les autres ?
N.K : Partout où nous sommes passés, dans les localités où il y a eu des dégâts, ils ont présenté des excuses parce qu’ils ont été trompés par les rumeurs. Nous leur avons redonné confiance. Nous avons associé à chaque étape, les forces de défense et sécurité pour leur expliquer le bien-fondé de leur mission.
Nanan N’goran Koffi II, comment jugez-vous l’attitude du président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié qui a lancé le mot d’ordre de désobéissance civile pendant l’élection présidentielle qui a enregistré plusieurs morts ?
N.K : Le président Bédié est un grand homme d’Etat. Il n’aurait pas dû lancer ce mot d’ordre. La moindre des choses c’était le dialogue, la concertation pour aboutir à la paix. J’ai été surpris de l’attitude du président Henri Konan Bédié.
Que pensez-vous du CNT mis sur pied par l’opposition dirigée par Henri Konan Bédié ?
N.K. (rire) Je ne suis pas politique donc ce volet-là, je ne le maîtrise pas. Depuis 2017, j’ai œuvré dans l’ombre pour faire la réconciliation. Quand on est un grand homme, on écoute sa conscience et non l’entourage. Moi, j’écoute ma conscience avant d’écouter l’entourage.
De Béoumi en 2018 à Bouaké cette année, pourquoi êtes-vous sur ces fronts là où on entend moins vos collègues chefs de canton ?
N.K. Nous sommes un peuple de paix. Je suis né d’une famille de brassage de populations et de paix. Nos ancêtres ont toujours accepté les autres. Pour preuve, la ville de Bouaké est une ville cosmopolite. Alors, je suis les traces de mes grands-parents. Avant les élections, en tant que représentant de la Chambre des rois et chefs traditionnels de Gbêkè, nous avons sillonné toute la région pour une sensibilisation sur la paix et la cohésion.
Que comptez-vous faire pour décrisper l’atmosphère entre Henri Konan Bédié et le pouvoir de son jeune frère Alassane Ouattara ?
N.K : Nous sommes condamnés, en tant que roi, à régler les palabres qui surviennent entre nos enfants. Nous ne pouvons pas laisser cela. Nous allons toujours continuer à discuter, à ramener nos enfants à la paix et une paix définitive.
Quelle sera votre réaction si demain Bédié et les autres se retrouvaient face à la justice ?
N.K : toute chose doit être rythmée par la paix et le dialogue. Quand votre propre couteau vous blesse, vous le jetez dans un premier temps et vous le reprenez pour l’utiliser encore. Je pense que c’est ce que le président Alassane Ouattara doit faire. Je sais qu’il est un homme de paix. Il suit bien les traces de feu président Félix Houphouët-Boigny. Je pense que cela peut se résoudre. C’est-à-dire s’asseoir, discuter et revivre ensemble.
Dans la région, il se susurre que des chefs de village ont été des acteurs majeurs, avec des cadres du PDCI-RDA, de l’avalanche de violence et d’empêchement du vote. Au cours de vos rencontres, qu’est-ce qui est ressorti ?
N.K : on naît chef mais on ne le devient pas. Et le chef ne fait pas de la politique. Le chef doit pouvoir dire la vérité. Un chef qui a été vraiment installé sur le trône de ses ancêtres. Il y a aussi trône et trône. Le trône est incarné par Dieu, le chef est né de Dieu. Le chef n’est pas exempt de tout reproche mais on fait l’effort de ressembler à Dieu. En face de notre peuple nous incarnons Dieu donc la vérité. Et donc nous devons faire attention au gain facile. C’est Dieu qui donne l’argent. Les politiciens sont tous nos enfants. Nous n’avons pas de parti pris sinon tu n’es pas un chef.
Que compte faire Nanan N’goran Koffi II pour ramener la sérénité en vue d’une paix pour les élections locales à venir ?
N.K : nous sommes obligés de faire revivre nos enfants ensemble. Nous, chefs devrons nous battre comme on peut pour ramener la sérénité et la paix dans notre beau pays. Note devoir, c’est de ramener tout le monde sur le droit chemin.
Quel appel Nanan N’goran Koffi II peut-il lancer à la jeunesse Baoulé surtout après les événements de Yamoussoukro ?
N.K : j’invite les jeunes à réfléchir longtemps avant d’agir. Je leur demande de ne pas écouter ces hommes tapis dans l’ombre qui les poussent à l’erreur. Je voulais demander à nos jeunes de se poser une question : où sont les enfants de ceux qui nous envoient dans la rue ? Avant d’obéir à la requête de ces personnes.
Réalisé par Adam’s Régis SOUAGA et Bernadin KOUAME à Bouaké