Dans le cadre des poursuites judiciaires en lien avec la crise post-électorale de 2010, Messieurs Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont été arrêtés, soupçonnés d’avoir commis des crimes contre l’humanité, et présentés à la Cour Pénale Internationale.
Le procès s’est ouvert le 28 janvier 2016.
Le 15 janvier 2019, la chambre de première instance de la Cour Pénale internationale a à la majorité, acquitté Messieurs Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé de toutes les charges de crime contre l’humanité perpétrés en Côte d’Ivoire lors de la crise post-électorale de 2010.
Face à cette décision de la chambre de première instance, La procureure Mme Fatou Bensouda avait fait appel du jugement.
Mais Le 31 Mars 2021, les juges de la chambre d’appel ont à la majorité, confirmé la décision d’acquittement du 15 janvier 2019.
Dans son arrêt, la chambre d’appel a mis fin à toutes les conditions sur la mise en liberté de Messieurs Gbagbo et Blé Goudé et a chargé le Greffier de la Cour pénale internationale de prendre les dispositions nécessaires pour le transfert en toute sécurité de ces personnes vers des pays d’accueils de leur convenance y compris la Côte d’Ivoire.
Le 7 Avril 2021, prenant acte de la décision de la Cour Pénale Internationale, le Président de la République Son Excellence Monsieur ALASSANE OUATTARA a déclaré que MM. LAURENT GBAGBO et BLÉ GOUDÉ sont libres de rentrer en Côte d’Ivoire quand ils le
souhaitent.
C’est ainsi que, le 31 Mai dernier, le Secrétaire général du parti politique créé par Monsieur Laurent Gbagbo a annoncé son arrivée en Côte d’Ivoire pour le 17 Juin 2021.
Cette information sur le retour de Monsieur Laurent Gbagbo a suscité beaucoup de commentaires et parfois des manifestations hostiles, faisant planer des risques de débordement et de violence autour de cet évènement.
Face à cette situation, La Confédération des Organisations de Victimes des Crises Ivoiriennes (C.O.VI.C.I), en tant que locomotive des organisations de victimes des crises Ivoiriennes, et promoteur de la paix, de la non-violence et partisan de la justice équitable, ne pouvait rester sans réagir.
La COVICI rappelle aux uns et aux autres que dès la fin de la guerre en 2011, la Côte d’Ivoire s’est engagée dans un processus de Justice Transitionnelle dont l’un des piliers forts demeure la répression pénale des crimes commis. Ce pilier rappelle l’obligation de l’Etat à
mener des enquêtes judiciaires sur les violations des droits des victimes. Ces enquêtes visent à identifier, poursuivre et punir les personnes responsables de ces violations et à lutter contre l’impunité.
Pour y parvenir, l’Etat a activé d’une part les tribunaux nationaux et d’autre part la Cour Pénale Internationale. Le bilan partiel de ces efforts, nous force à reconnaître qu’en dépit de tout ce qui est fait, les droits des victimes ivoiriennes restent partiellement satisfaits.
Les victimes des crises Ivoiriennes n’ont pas encore bénéficié des avantages que pourraient procurer une justice dans un contexte post-conflit violent avec des conséquences individuelles et collectives aussi graves.
Pourtant, cette situation n’a à aucun moment effrité la confiance de la C.O.VI.C.I en la justice en général et en la cour pénale internationale en particulier. Cette justice internationale qui, à deux reprises, vient d’acquitter MM. LAURENT GBAGBO
et BLÉ GOUDÉ.
Malheureusement, certaines victimes pâtiront de cette décision et cela est vraiment dommage. Mais cette décision semble s’appliquer au regard des principes d’impartialité et d’égalité de tous devant la loi que requiert la justice.
Car pour la C.O.VI.C.I, la justice est et demeure un rempart qui garantit les droits et les devoirs de chacun, la protection des plus faibles, y compris les victimes. Elle est aussi et surtout un instrument de promotion de la vérité qui devrait mettre fin aux conflits et ouvrir la voie au vivre ensemble, à la Paix et à la stabilité, une atmosphère nécessaire pour la réparation effective des victimes des crises survenues.
Au total, la C.O.VI.C.I ne trouve aucun inconvénient au retour de Monsieur LAURENT GBAGBO dans son Pays.
La COVICI souhaite par contre que ce retour contribue à la décrispation et à la réconciliation nationale ; Car aucune raison ne doit justifier les violations graves des droits de l’Homme régulièrement perpétrées en Côte d’Ivoire depuis deux décennies.
C’est pourquoi la COVICI fait les recommandations suivantes ;
1) Au Ministre de la Réconciliation et de la Cohésion Nationale
– Créer un cadre permanent de dialogue entre les leaders politiques afin de
rapprocher leurs positions encore tranchées ;
– Travailler à la mise en œuvre des résolutions du Séminaire de Jacqueville
portant sur les préoccupations des victimes
2) Aux responsables politiques :
– Travailler au respect de la mémoire de toutes les victimes des crises survenues en
Côte d’Ivoire et à l’apaisement de la douleur de leurs familles ;
– Faire preuve de dépassement et de responsabilité pour éviter à la Côte d’Ivoire un
autre épisode de trouble et de violences graves ;
– Transformer leurs partisans et cyberactivistes en acteurs de paix et réconciliation ;
3) Aux organisations de victimes ;
– Renforcer l’encadrement et la sensibilisation des Victimes à la culture de la paix et la
Cohésion Nationale
– S’engager résolument sur la voie de la lutte pacifique pour la réparation des victimes ;
– Refuser de s’inscrire dans le programme des entrepreneurs de la violence
4) Au bureau de la Cour Pénale Internationale en Côte d’Ivoire
– Informer au mieux les victimes et les populations sur la décision d’acquittement
prononcée par la CPI ;
– S’impliquer à tous les niveaux pour préserver la Paix dans notre pays.
5) Aux journalistes de presse écrite et en ligne
– S’inscrire résolument dans le processus de réconciliation nationale et de
construction de la Paix.
– Mettre leurs engagements au service de la réconciliation et de la Paix en Côte
d’Ivoire ;
Fait à Abidjan le 13 Juin 2021
LE PRESIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION
M. KANTE LASSINA