Le tribunal de Bouna a été sans pitié pour 10 mis en cause impliqués dans le travail des enfants. Ils ont été condamnés mercredi 30 juin à 10 ans fermes.
Mercredi 30 juin. Il est 9h 44. Nous sommes au à la section du Tribunal de Bouna. Plusieurs audiences sont inscrites au rôle. Chose inhabituelle dans ce tribunal, parmi les affaires jugées figurent des faits de trafic illicite de migrants et de traite de personnes et d’enfants. L’événement mobilise aussi bien la presse nationale qu’internationale ainsi que des organisations des droits de l’homme.
16 personnes de nationalité étrangère sont mises en cause dans le procès qui doit s’ouvrir. Après un premier jugement rendu, toutes ces personnes, vêtues de chemisiers oranges, se présentent un à un à la barre à l’appel du juge.
– Qui parmi vous ne comprend pas français ? s’assure le juge. Motus et bouche cousue dans la salle. Le procès peut donc commencer avec la vérification de l’identité des mis en cause. Après cette étape, s’en suit le débat de fond avec la lecture des chefs d’accusation aux concernés.
Parmi les mis en cause, 11 sont accusés de violation de l’état d’urgence, de mise en danger d’autrui en franchissant la frontière alors qu’elle est fermée en raison de Covid-19. Tandis que cinq, en sus du chef d’accusation suscité, sont poursuivis pour trafic illicite de migrants, de traite de personnes et de traite d’enfants. Ce sont
Nikiema Olivier, Ouedraogo Souleymane, Kindo Dramane, Sawadogo Mamady et Sanfo Boukary. Ils sont les membres de l’équipage qui transportait les 11 autres individus en plus de 15 enfants qui ont été refoulés dans leur pays d’origine, selon le substitut résident. Quant aux personnes majeures qui comparaissent à l’audience, elles ont été maintenues dans les liens de la détention pour des nécessités d’enquête.
Les interrogatoires débutent avec les 11 personnes accusées seulement de violation de mesures Covid-19. Ils portent sur les moyens utilisés par celles-ci pour entrer sur le sol ivoirien. Elles affirment toutes avoir franchi la frontière à bord de tricycles à travers des champs d’anacarde. Une fois à Doropo, elles auraient payé chacune la somme de 20 000 francs CFA pour être transportées jusqu’à Yakassé-Attobrou, selon elles. De là certaines devraient être déversées dans des plantations de café ou cacao à Adzopé, Abengourou et Soubré.
Le juge se tourne, ensuite, vers les cinq autres personnes. À peine débute-t-il l’interrogatoire qu’il est arrêté par leur avocat, Me Touré Zakaria qui lui explique s’être constitué pour elles.
– Excusez maître, je vous avais oublié. On n’a pas l’habitude (d’avoir des avocats) ici au tribunal, se reprend le juge.
Une fois cela fait, le juge rappelle les chefs d’accusation aux mis en cause qui ne reconnaissent pas les faits à eux reprochés.
Le substitut résident qui prend le relais à la suite du juge explique que ces cinq personnes sont membres d’un réseau de trafic de migrants qui prend sa source au Burkina et dont elles seraient les relais en Côte d’Ivoire. La compagnie ZDT pour laquelle elles travaillent assurerait le convoyage en territoire ivoirien, selon lui. Pour étayer ces dires, il soutient qu’un autre convoi de la même compagnie a été intercepté des semaines après celui qu’elles convoyaient. Ce convoi comme le leur, contiendrait également la présence de nombreux mineurs non accompagnés refoulés, à leur tour. Interrogés de la présence des mineurs dans leur véhicule, les mis en cause ont observé la loi de l’omerta, pour certains. Quand d’autres ont donné des réponses qui ont peu convaincu le tribunal.
Pour l’avocat des mis en cause, ses clients ne sont coupables d’aucun délit. “On ne peut pas leur reprocher d’avoir traversé la frontière car c’est à Doropo qu’ils ont pris les passagers. Ensuite, ils n’ont participé à aucun recrutement et personne non plus n’est venu leur confier de passagers. C’est à la gare qu’ils les ont trouvés”, a-t-il défendu.
De débats contradictoires en débats contradictoires entre le juge et le parquet d’une part et l’avocat des mis en cause, d’autre part, le verdict tombe finalement après près de 3 heures d’échanges. Contre les cinq mis en cause, le tribunal a eu la main particulièrement lourde. 10 ans fermes pour chacun des mis en cause, 5 millions de francs CFA d’amende et la confiscation de leurs biens et meubles. Quant à la compagnie ZDT, il a ordonné le retrait de son agrément et la confiscation du véhicule de convoyage. S’agissant des 11 passagers, il a été ordonné leur rapatriement dans leur pays d’origine.
Dans l’après-midi, s’est ouvert un autre procès de même nature. Zalé Zakaria, Zalé Souleymane, Oueda Adama, Tiendrebeogo Patelema, Bamogo Marou qui étaient les mis en cause ont écopé des mêmes peines malgré le plaidoyer de Me Touré Zakaria qui demandait leur relaxe. Malheureusement, il n’a encore pas été suivi par le tribunal.
I.T