Tapes amicales, du tutoiement, des rires, expression de condoléances, rappel de soutien…Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo se sont parlé ce mardi 27 juillet 2021 au palais présidentiel, de façon “cordiale et fraternelle”, ont soutenu les deux hommes. Pour la circonstance, Laurent Gbagbo, floqué de son éternelle chemise blanche bogolan à manches longues, était accompagné de Hubert Oulaye, Assoa Adou et Dr Armand Ouégnin.
“On a parlé fraternellement, amicalement et je suis très heureux de cette discussion que nous avons eue. C’était très détendu, je suis fier de cela. J’ai souhaité que de temps en temps on puisse avoir ce genre d’entretiens qui détendent l’atmosphère dans le pays. En ce qui me concerne, j’ai insisté sur les prisonniers qui ont été arrêtés au moment de la crise de 2010-2011 et qui sont encore en prison. Et vous conviendrez avec moi que j’étais leur chef de fil, je suis dehors aujourd’hui, eux encore en prison, j’aimerais que le Président fasse tout ce qu’il peut pour les libérer” a-t-il indiqué.
Laurent Gbagbo estime que “Le Président a les moyens mais c’est lui qui juge de l’opportunité et des moments pour ces libérations. J’ai insisté sur cela. A part cela on a parlé de la Côte d’Ivoire qui doit aller de l’avant, qui doit se parler, qui doit discuter” a-t-il soutenu.
Gbagbo comique comme à son habitude oublie le protocole et lance un “n’est-ce pas Alassane ” avant de se raviser pour un “Monsieur le Président”. C’était l’esprit de fraternité qui a donc prévalu pour cette première rencontre qui ouvre la voie aux retrouvailles des quatre grands dans un prochain avenir.
L’esprit fraternel était là, comme pour rappeler aux uns et autres que le temps de la crise, des divergences politiques, des 3000 morts, n’a entamé en rien les rapports.
Alassane Ouattara a rappelé les liens qui existent entre lui et Laurent Gbagbo. “Mon cher Laurent, merci d’être venu pour cette rencontre que tout le monde demandait d’ailleurs. Les gens ne savent pas que nous nous sommes parlé, que nous sommes des amis depuis des décennies, ce qui ne nous rend pas jeunes (rires). Les calendriers et les opportunités nous ont emmenés à avoir cette rencontre aujourd’hui. Je dois dire que j’en suis ravi. C’est surtout le peuple de Côte d’Ivoire qui attendait cela avec beaucoup d’impatience, maintenant c’est chose faite et je voudrais dire que nous puissions nous féliciter d’avoir eu cette rencontre qui a été cordiale et fraternelle” a-t-il situé.
Il a rappelé que “Laurent est mon jeune frère et mon ami; bien sûr, il y a eu cette crise qui a créé des divergences mais cela est derrière nous. Ce qui importe c’est la Côte d’Ivoire, c’est la paix pour notre pays et comme dit Laurent, il nous faut avancer, pour bien sûr nous mêmes et les prochaines générations.”
Situant les rapports entre eux dans le devoir moral de reconnaissance, Alassane Ouattara a traduit son soutien à l’ex-président pour la perte de sa mère et de son “frère” Sangaré.
“Je voudrais réitérer mes condoléances à mon frère pour le décès de la maman, Gado Marguerite et d’Abdou Rahamane Sangaré, tous deux partis alors qu’il était absent du territoire. Nous avons une pensée pour eux et nous continuons de prier pour qu’ils reposent en paix. Une maman, c’est très important pour nous tous. Quand j’ai perdu mère, pendant que j’étais en exil, Laurent Gbagbo a facilité mon retour pour que je puisse participer et prendre en charge les funérailles; c’est quelque chose que je ne peux pas oublier. Je voudrais témoigner en cela et dire que ça été un moment douloureux, je sais, pour toi et je te réitère toutes mes condoléances.”
“Nous avons bien sûr parlé de la paix pour notre pays, de la nécessité de renforcer la cohésion sociale, de continuer de renforcer la réconciliation. Nous sommes aussi convenus de nous revoir de temps en temps, certainement après le mois d’Août pour continuer ces entretiens et associer le moment d’autres personnes à ces entretiens. Mais, je crois que c’est important que les uns et les autres puissent comprendre que nous avons décidé de rétablir la confiance. Et de faire en sorte que les Ivoiriens se réconcilient, si c’est cela le terme important, mais se fassent confiance également. Ces événements ont été douloureux, il y a eu trop de morts et nous devons avoir cela derrière nous et travailler sur l’avenir, sur la cohésion, sur la réconciliation. Nous avons un beau pays et nous nous sommes mis d’accord que nous continuerons de travailler ensemble pour faire en sorte que la Côte d’Ivoire continue de progresser, d’aller de l’avant” a recommandé le Président de la République au sortir de cet entretien.
Dans une atmosphère détendue, avec des éclats de rire et des tapes amicales, les deux hommes ont brisé le mur de méfiance dressé entre eux depuis la fin de la crise postélectorale de 2010-2011. Un nouveau chapitre va s’ouvrir avec “d’autres personnes” qui seront associées aux entretiens. Même si le Président n’a nommé personne, il fait allusion à Guillaume Soro dont le retour est attendu par ses proches, amis et parents, et le président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié.
Les Ivoiriens, eux se veulent prudents avec ces politiciens car, ces tapes amicales, ces rires et acquiescements, accolades, sont des images qui leur rappellent du déjà vu.
Adam’s Régis SOUAGA
