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Attentat contre Soro- Le récit de Guy Lasme Kouamé, reporter photographe à l’aéroport de Bouaké
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2 ansle
Par
RedactionUn ancien correspondant de presse de l’ancien quotidien Le Front a rapporté le témoignage de l’unique reporter-photographe monté à bord du Fokker 100 après l’attentat commis sur le tarmac de l’aéroport de Bouaké. L’avion transportait la délégation du premier ministre Guillaume Soro à Bouaké pour l’installation officielle des Magistrats dans les zones CNO sous contrôle des Forces nouvelles. Ce vendredi, la Côte d’Ivoire, en plaine crise militaro-politique allait connaître son premier attentat politique contre un premier ministre, en la personne du Secrétaire général des Forces nouvelles, la rébellion en lutte contre le régime de Laurent Gbagbo. Nous vous proposons ce récit.
Retour sur l’attentat meurtrier de 2007- Le récit d’un reporter-photographe
Témoin oculaire, notre confrère Guy Lasme Kouamé, était le seul photographe- journaliste sur les lieux de l’attentat du 29 juin 2007. Nous l’avions rencontré le 29 juin 2008, un an après ce lâche attentat ; il nous a raconté les faits tels qu’il les avait vécus. Ce récit est émouvant ! Et nous ne pouvions le passer sous silence. Six ans après.
« Ce vendredi 29 juin 2007 restera gravé comme celui d’un de mes reportages les plus émouvants. En effet, alors que la ville de Bouaké se préparait à recevoir les magistrats pour les opérations d’identification, je m’apprêtais à me rendre à l’aéroport en vue de faire des prises de vue comme il était de coutume. Il était environ 10 heures lorsque j’arrivai sur les lieux. Déjà, un dispositif d’accueil était en place pour réserver une réception digne de ce nom au chef du gouvernement ivoirien Guillaume Soro, par ailleurs, secrétaire général des Forces nouvelles (FN) de l’ex-rébellion ivoirienne.
L’orchestre de la fanfare, la gendarmerie et la police FN et quelques responsables militaires dont le CEMA, le Général Soumaïla Bakayoko, et son adjoint le commandant Ouattara Issiaka alias Wattao étaient sur le tarmac, attendant impatiemment la délégation venant d’Abidjan. Pour ”tuer” le temps, par petits groupes constitués, chacun s’adonnait à des causeries nourries. Fait marquant de ce vendredi, la présence fort remarquée des forces onusiennes notamment la Licorne (l’armée française) dont un avion cargo se trouvait posé sur une piste d’atterrissage .Ces soldats étaient, on ne peut l’ignorer, armés jusqu’aux dents. Ce qui attira l’attention de quelques ex-combattants déployés à l’aéroport depuis le début de la crise afin d’en assurer la sécurité. Il était 10 heures 30 lorsque l’on nous annonça l’arrivée imminente du Fokker 100 transportant le premier ministre et ses collaborateurs. L’atmosphère était des plus gais, ce vendredi, jour quelque peu ensoleillé dans la matinée. Peu de temps après, l’on aperçut l’appareil de loin sur la piste d’atterrissage avoisinant le village d’Allocokro.
Et soudain!
Des détonations se firent entendre successivement. Une première partit non loin (à peu près 100 m de la piste) de la broussaille. Ensuite, une seconde, puis une troisième détonation suivie plus tard de rafales. Ces tirs pleuvaient sur l’appareil qui malgré les assauts répétés de ses bourreaux, continuait de rouler pour échapper à leur furia.
Pendant ce temps, le décor affrété sur le tarmac pour recevoir le Premier ministre était méconnaissable : l’on assistait à une débandade générale aux premiers instants de tirs nourris de roquettes et de tirs en rafales. L’instinct humain qui conduit l’être à se mettre à l’abri de tout danger d’où qu’il vienne, fit place après, à une prise de conscience.
Ainsi la réaction ne se fit pas attendre. Le commandant Wattao, CEMA adjoint en véritable chef, ordonna aux éléments sur place de faire face au danger dans l’optique de secourir le Premier ministre et sa délégation. Adossé contre un mur de la salle d’attente, j’étais sujet à une accélération de mon rythme cardiaque tant mon taux d’adrénaline était monté d’un cran. Je m’approchai prudemment vers le tarmac poussé par une curiosité inextricable et dont le commun des mortels ne peut en saisir la raison. Après plusieurs manœuvres de tentatives de survie (car l’objectif visé étant la destruction complète de l’avion avec ses occupants), le pilote et son co-pilote atteignirent le tarmac. Aussitôt que la porte de l’avion s’ouvrit, l’appareil déversa son contenu. Certains collaborateurs du Premier ministre descendirent suivis plus tard des journalistes venus pour la circonstance. Tous courraient en direction des véhicules affrétés à l’occasion. Le directeur du protocole M. Kamagaté Souleymane, touché par les tirs en rafales, était secouru par Coulibaly Aboudé, membre du secrétariat général aidé par d’autres personnes.
Un véhicule de type 4X4 s’approcha ensuite de l’avion. Le Premier ministre sortit, encadré de ses gardes du corps dont le caporal Traoré Bakary dit Ponon qui l’enveloppa, formant ainsi un bouclier humain contre d’éventuels tirs. Le commandant Wattao le porta au dos et l’introduisit dans le véhicule qui démarra en trombe. En l’espace de quelques minutes, tout le film virevoltant fit place à une accalmie. De sorte qu’aucun chant d’oiseau ne se faisait entendre.
Je m’approchai de l’avion toujours poussé par cette curiosité, d’autant plus que je n’en croyais pas mes yeux. Après avoir franchi les marches de l’appareil, je m’introduisis à l’intérieur. Le pilote et le co-pilote étaient dans l’avion gardant une sérénité et un calme olympien sans pareil. Après leur avoir demandé la permission pour des prises de vue (que j’obtins facilement grâce à leur bonne compréhension), je m’exécutai automatiquement. Ce que je vis était indescriptible, l’horreur étalait toute sa laideur.
Trois corps inertes dont deux immobilisés à leur siège attachés à leur ceinture de sécurité avec la tête arrachée par la puissance des explosions. Des sacs, portables et autres affaires se mêlaient, pêlemêle, aux corps déchiquetés par les explosions. Mon collègue le cameraman Koné Valy Gavet, ne pouvant pas supporter l’horreur, décida de rester dehors, se contentant de filmer l’extérieur. Deux blessés graves ; le caporal Siaka Diomandé, l’un des gardes du corps du Premier ministre, est atteint à la poitrine et Cissé Lassina dit Palenfo, cameraman du Premier ministre, est, quant à lui, grièvement atteint à la tête. Aidés de deux autres journalistes (Sam Dominique et Arios) de la télévision locale TVNP (Télévision Notre Patrie), le cameraman et moi soulevions les deux blessés en les mettant dans un véhicule de type ”bâchée”, sous l’indifférence totale des Forces onusiennes notamment la Force licorne qui, il faut le dire, sont restées inactives sans la moindre initiative. Ce qui provoqua sur-le-champ le courroux de Wattao qui a exigé leur retrait et leur remplacement par les FAFN pour la sécurisation de l’aéroport. Les trois (3) corps ont, par la suite, été retirés de l’avion sous la présence des commandants Yéo et Ouattara Beh de l’état-major des FAFN.
Ces derniers, sous l’effet de l’émotion, ont ordonné que le cameraman et moi, arrêtions les prises de vue. Chose à laquelle nous avons souscrite tellement l’horreur était à son comble. Plus tard, le caporal Diomandé Siaka a succombé à ses blessures. Et Palenfo fut conduit d’urgence au CHU de Bouaké.
Cette journée du vendredi 29 juin 2007 demeure pour moi, celle d’un terrorisme jamais connu en Côte d’Ivoire. Espérons tout simplement que les enquêtes tant attendues depuis lors, puissent aboutir un jour afin que justice soit faite. »
Source: Page facebook de Gnan Sal
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