Sur Facebook et dans les médias, le ministère de la Défense multiplie les appels à l’enrôlement d’urgence dans ces Forces de défense territoriale, une institution crée en 2015 pour suppléer l’armée régulière.
« Ils ont distribué les fusils, les ont chargés pour nous et nous voilà », dit Iouri Kortchemniï qui n’avait jamais tenu une arme de sa vie avant de rejoindre jeudi un bataillon de civils prêts à défendre Kiev pied à pied face à l’ennemi russe. En pleine invasion russe de son pays, quand les premières forces russes se sont infiltrées dans la capitale en moins de 48 heures, l’historien de 35 ans n’a plus hésité. Des dizaines d’hommes de son quartier sont venus comme lui dès le lendemain récupérer une kalachnikov au point de distribution annoncé, un camion militaire rempli de cartons d’armes, raconte-t-il à l’AFP.
Sur Facebook et dans les médias, le ministère de la Défense multiplie les appels à l’enrôlement d’urgence dans ces brigades de la « défense territoriale », une institution crée en 2015 pour suppléer l’armée régulière. Selon le quotidien britannique The Guardian, près de 10 000 armes auraient été distribuées dans Kiev en 24 heures.
Le président Volodymyr Zelensky a décrété jeudi soir la mobilisation générale et le rappel des réservistes de 18 à 60 ans sous 90 jours dans toutes les régions ukrainiennes, soit environ 900 000 personnes. Reste à savoir si ces forces de réserve sont suffisamment équipées et entraînées pour pouvoir jouer un rôle opérationnel efficace, en appui des 200 000 militaires ukrainiens d’active. « Nous demandons aux citoyens de nous informer des mouvements ennemis, faites des cocktails Molotov, neutralisez l’occupant ! », a appelé le ministère ukrainien de la Défense sur sa page Facebook.
Le président ukrainien a également invité vendredi les Européens ayant une expérience militaire à se rendre en Ukraine pour combattre l’armée russe, reprochant à leurs dirigeants une réponse trop « lente » face à l’invasion.
Zelensky prévoit une attaque nocturne de Kiev
Désormais, il suffit d’avoir entre 18 et 60 ans et un passeport pour s’enrôler. Aucun entraînement n’est exigé. « On nous a donné des armes au bureau d’enregistrement militaire. Maintenant la situation est telle qu’on ne peut pas attendre une convocation », explique un autre volontaire, Volodymyr Moguila.
Habillés en jean, jogging, baskets ou d’uniformes dépareillées, les civils volontaires de la « défense territoriale » sont désormais omniprésents dans Kiev, plus visibles encore en nombre que les militaires des forces régulières. Signe de reconnaissance : un petit brassard jaune, parfois un simple tour de scotch, autour du bras gauche. Dans une ville quasi-fantôme, l’omniprésence de ces brigades de volontaire saute aux yeux, indique encore l’Agence France-Presse.
L’étau de l’armée russe se resserre dangereusement sur la capitale ukrainienne, et tous se préparent à des combats sanglants. En soirée, le président Volodymyr Zelensky a d’ailleurs alerté son pays via une allocution vidéo : « Nous ne pouvons pas perdre la capitale. Je m’adresse à nos défenseurs, hommes et femmes de tous les fronts : cette nuit, l’ennemi va utiliser toutes ses forces pour briser nos défenses de la façon la plus vile, dure et inhumaine. Cette nuit, ils vont tenter de s’emparer » de Kiev.
Mais pour l’instant l’ennemi russe, bien que présent autour de la ville, reste encore invisible malgré de premiers combats furtifs dans le quartier d’Obolon vendredi matin, au nord de Kiev.
« Je ne veux pas le même destin que la Russie »
Les volontaires de la défense territoriale de ce district se sont retrouvés malgré eux en première ligne de cette première bataille. De nombreux Ukrainiens ont répondu à l’appel. Valéry Shyrokov en fait partie. Le franco-ukrainien de 46 ans est arrivé à Kiev mercredi soir pour rendre visite à ses parents malades. Mais le lendemain matin, c’est dans un pays en guerre qu’il s’est réveillé. Il a décidé de s’engager pour défendre sa patrie.
« Je suis citoyen ukrainien. J’ai des valeurs, je crois dans la liberté humaine, je ne veux pas le même destin que la Russie est en train de subir. » Et quand on lui demande s’il a hésité avant de s’engager : « Non, non, non, pas une seule seconde. Il faut le faire. Je ferais la même chose pour la France. »
Valéry Shyrokov a reçu une arme vendredi. Il peut désormais être appelé à intervenir à tout moment.
De premiers combats dans la capitale Kiev ont été signalés vendredi, au lendemain du lancement d’une attaque massive de la Russie contre l’Ukraine. Échanges de tirs et explosions ont notamment été entendus dans le quartier d’Obolon et des détonations sourdes depuis le centre de la ville. Pour Joseph Henrotin, chargé de recherches au Centre d’analyse et de prévision des risques internationaux (Capri) la résistance que les Ukrainiens opposent à l’offensive russe semble exclure une conquête éclair de Kiev.
« La Russie rencontre une certaine résistance. L’armée ukrainienne, on le voit, à la volonté de résister. Les Ukrainiens ont fait sauter un certain nombre de ponts qui auraient pu être utilisés par les Russes. Dans le même temps, un certain nombre de groupes de forces spéciales russes qui étaient infiltrées dans Kiev en utilisant des uniformes de l’armée ukrainienne semble avoir subi un certain nombre de pertes. »
Source: rfi.fr