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Insécurité- Bouna, une ville en colère, les braquages et morts s’accumulent dans un contexte de méfiance

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L’insécurité se multiplie sur les axes routiers de Bouna, capitale de la région du Bounkani, qui fait frontière avec le Burkina. Il ne se passe plus une semaine sans qu’il y ait un braquage. Véhicules de passagers et motocyclistes sont régulièrement braqués malgré la présence des forces de l’ordre sur les axes routiers.

A la réception de notre hôtel, une recommandation: “Ne pas mettre trop de temps dehors car une rafle aura lieu à partir de 22h”.

Jeudi 18 novembre, axe Abidjan-Bouna pour apprécier l’état des lieux dans cette capitale régionale où l’ambiance est devenue délétère depuis quelques semaines.

Ville sous tension…

De retour à l’hôtel, des hommes en arme y sont présents.  Ils ont l’air de porter des masques à cause de leurs visages recouverts de poussière. Ces derniers seraient membres de la brigade de déguerpissement des orpailleurs clandestins qui depuis le 15 novembre 2021, traquent les orpailleurs clandestins et autres occupants de ces sites. A coups de baïonnettes et à coups de hanche comme à Lagbo où des membres de cette unité ont été accusés de viol collectif de femmes.

Le samedi 20 Novembre 2021, le Général de Corps d’Armée ALEXANDRE APALO TOURE s’est rendu à Doropo, dans la région du Bounkani, suite aux accusations de viol portées contre des éléments du Groupement Spécial de lutte contre l’Orpaillage Illégal.
En présence de l’Honorable NOUFE SANSAN, député de Doropo, il s’est adressé aux populations en abordant les questions qui justifient la lutte contre l’orpaillage, le port des casques motos, la lutte contre le terrorisme et le sujet relatif aux accusations de viol, principale raison de sa présence dans le village de Lagbo.
Après avoir prôné la bonne collaboration entre la population et les forces de l’ordre face au terrorisme, il a insisté sur le rôle des forces de l’ordre qui est de servir de façon éthique et loyale l’Etat et les populations.
Avant de prendre congé de ses hôtes, le Commandant Supérieur a souligné que les accusations de viol par des agents, sont très graves et a promis qu’il fera tout pour que si ces faits sont avérés, les auteurs soient arrêtés dans les prochaines heures. Pour le moment, aucune interpellation n’a été rendue public.
Le mercredi 17 novembre 2021, un braquage a eu lieu sur l’axe Bouna-Sipalbouo et causé trois morts.

Comme si cela ne suffisait pas, la nuit de jeudi 18 novembre, le braquage de plusieurs magasins augmente la colère de la population qui ne trouve pas réponse à cette insécurité, surtout par temps de renforcement des actions de sécurité.

C’est l’insécurité totale. On ne peut plus sortir de Bouna. En ville encore, on n’est plus en sécurité”, déplore Hermann Sié.

Les braquages qui étaient autrefois saisonniers et ciblés sont devenus le lot quotidien des habitants de Bouna. Tout le monde est pris pour cible. Pour certaines personnes, cette insécurité généralisée est liée à l’orpaillage clandestin qui a pris de l’ampleur ces deux dernières décennies.

C’est une activité qui draine de l’argent. Les gens voyagent avec d’importantes sommes d’argent”, confie Ouattara Logossina.

D’autres préfèrent y voir autre chose qu’un simple fait de grand banditisme.

Pour moi, il ne s’agit pas de simples braquages. Sinon comment expliquer les meurtres et viols collectifs de femmes qui les accompagnent ? Pour moi ce sont des messages”, analyse Hermann.

L’insécurité aujourd’hui préoccupe à tel point que tous les ingrédients d’un affrontement communautaire sont réunis à Bouna.Des affrontements entre des Lobis et des Peuhls ont été signalés dans le village d’Assoum 1, situé entre Bouna et Bondoukou. Ces affrontements, signale notre source, ont causé des blessés qui ont été conduits à l’hôpital général de Bouna.

Sur les causes de cet affrontement, il ressort que des jeunes autochtones ont été agressés par des coupeurs de route. Pour la population, les coupables ne sont autres que des peuhls, d’où l’expédition punitive, rapporte une source de Laurore.net.

L’insécurité généralisée s’est emparée de la région et met à mal la coexistence pacifique entre populations.

Une population qui doute…

En tout cas Barry Oumar, chef de la communauté peuhl, dort d’un œil depuis le mercredi 17 novembre dernier, jour du dernier braquage qui a causé trois morts. Vendredi 19 novembre, c’est presque debout, qu’il nous reçoit chez lui. Il était sur le point de sortir lorsque nous arrivions à son domicile. Il semblait très préoccupé.

Je viens d’être informé qu’un dozo (Lobi) se promène de village en village pour demander à ses frères de chasser les Peulhs sur leurs terres”, informe-t-il.

Dans la foulée, il nous apprend que déjà, dans certains villages, des jeunes auraient commencé à mettre à exécution la consigne. Un bouvier aurait trouvé la mort selon lui, ce vendredi même. Dans d’autres villages les populations se seraient prises aux animaux des bouviers en fuite.

Au moment où nous parlions, notre conversation était régulièrement entrecoupée par de nombreux appels de détresse de ses compatriotes. Rendez-vous est pris pour samedi après midi.

Lorsque nous retournons à nouveau le voir comme convenu, il était à nouveau sur le point de sortir.  Cette fois, il a été convoqué par la notabilité Lobi qui était tout autant préoccupée par la situation dans les villages pour l’entendre.

Il nous propose de l’accompagner pour être témoin des échanges. Une aubaine que nous ne pouvions refusée. Il retrouve le chef Virkoune Sib, entouré de sa notabilité.

Après avoir pris l’ampleur de la situation, le chef décide de faire des communiqués dans les radios pour appeler au calme et à l’apaisement.

Pour le chef Sib, il y a lieu de prendre le taureau par les cornes.” La méfiance s’est installée. Il faut briser cette méfiance. Sinon on courre vers la catastrophe“, avoue le Chef.

De retour au domicile de Barry Oumar, il se confie :”On accuse les Peulhs de braquage, ici à Bouna tout le monde braque. Il suffit de se rendre à la justice pour voir. Un Lobi ou un Peulh qui braque son nom c’est braqueur”, lâche-t-il.

Parlant des conflits éleveurs Peulhs/ Agriculteurs qui n’en finissent plus dans la région, il explique que l’élevage n’est plus l’apanage des seuls Peulhs.” On a aujourd’hui des éleveurs Peulhs, Lobis, Malinkés et Koulangos. Même si c’est vrai que les bœufs sont confiés à des bouviers Peulhs parce que c’est notre métier”, assène le chef de la communauté peuhl.

Aujourd’hui, face à la montée de l’insécurité sur les routes et en ville, c’est toute une population qui doute. Elle s’interroge sur la capacité des forces de sécurité à les défendre.” On ne sait plus s’il faut se constituer en groupes d’auto-défense pour se protéger nous-mêmes ou continuer à faire confiance à nos forces“, s’interroge Hermann.

Combler le fossé de la méfiance

La situation sécuritaire est certes préoccupante dans la région du Bounkani mais n’est pour autant pas insurmontable. Pendant notre séjour à Bouna, nous avons constaté un fossé entre forces de défense et de sécurité et les populations locales. Pourtant, il est plus qu’évident que la première arme de lutte contre l’insécurité reste le renseignement qui remonte de la population. Les autorités sécuritaires gagneraient donc à travailler sur cet aspect en imposant la discipline et la rigueur aux hommes en arme qui y sont afin d’éviter les abus en tout genre. Elles pourraient aussi mener des activités civilo-militaires pour créer la confiance. Dieu seul sait que les besoins en matière d’infrastructures sont colossaux dans la région. Que ce soit dans les domaines de route, de l’eau ou de l’éducation.

I.T