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Libre expression- Le panafricanisme, une heureuse utopie

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Le panafricanisme a une seule obsession : l’unification juridique et politique de l’Afrique. Les Etats-Unis d’Afrique. Cinquante-cinq Etats doivent renoncer à leur souveraineté pour la confier à un super Etat. Un Etat fédéral, avec des Etats fédérés  sous la direction d’un gouvernement fédéral. A l’instar des Etats-Unis d’Amérique. La formule est séduisante, l’idée est belle, voire heureuse.

L’Unité africaine n’est pas une idée nouvelle. Elle a été portée, à l’aube des indépendances, par le ghanéen Kwamé N’Krumah, le malien Modibo Keita, le guinéen Sékou Touré, le congolais Patrice Lumumba, le centrafricain Barthélemy Boganda. La création de l’organisation de l’unité africaine (OUA), à Addis-Ababa en 1963, s’inscrivait dans cette dynamique. Six décennies après, le continent noir reste morcelé en 55 Etats. Pourquoi la construction d’un Etat fédéral à l’échelle continentale est-elle restée lettre morte ? Les raisons sont multiples, endogènes et exogènes. Le manque de volonté politique nourrit par des  leaderships égocentriques d’une part, et l’hostilité des exigences géopolitiques,  d’autre part. Dans un contexte international où les empires néo coloniaux tels que la Françafrique et le Commonwealth refusent de mourir, il est difficile pour les leaders politiques africains, rattachés, de fait,  à Paris et à Londres, de penser à  l’unification juridique et politique du continent. La formule est bien connue, diviser pour mieux régner.

Aujourd’hui, face aux grands ensembles politiques et économiques continentaux, l’Afrique n’a plus le choix. Elle doit s’unir ou périr. A l’observation, le panafricanisme n’est plus une question de pertinence intellectuelle, mais de survie politique et économique. Les Etats-Unis d’Afrique, c’est  30 millions de KM2, 1, 4 milliards d’habitants, la  6e puissance économique mondiale avec un PIB de  plus 2.000 milliards de dollars. Un Etat fédéral à l’échelle du continent est une solution indispensable pour lutter contre les deux grands défis du 21e siècle  que sont la crise écologique et la menace terroriste.  L’union fait la force, c’est bien connu. Cependant, j’épouse moins la thèse de Kwamé N’krumah que celle de Barthélemy Boganda. En effet,  il faudrait commencer par  des grands ensembles sous-régionaux. Cinq Etats fédéraux, en tenant compte des grandes divisions géographiques actuelles du continent. L’Afrique occidentale, l’Afrique orientale, l’Afrique septentrionale, l’Afrique centrale et l’Afrique méridionale. Une fois qu’on a dit ça, que surgit la question inaugurale : les problèmes des  Etats africains  procèdent-ils de leur dimension démographique  ou de leur balkanisation ? La réponse est malaisée. Prenons un exemple. La République démocratique du Congo. L’ancienne colonie belge s’étend   sur une superficie de 2.345.410 km2 avec une population de près de 100.000.000 d’habitants. La RDC est un géant démographique et un Etat continent. Parlant de ce pays, les observateurs le qualifient de scandale géologique. Il possède un important potentiel de ressources naturelles et minérales.  Pourtant, la RDC est un Etat pauvre. La seule ville nigériane de Lagos produit trois fois plus de richesses que le grand Congo.  Le Japon a sensiblement la même superficie que la  Côte d’Ivoire. Il est la troisième puissance économique mondiale. Israël, c’est à peine 20.000 KM2, avec 5 millions d’habitants. Cependant, l’Etat hébreu est la 33é  économie du monde, avec un PIB de 370 milliards de dollars, soit trois fois le PIB des 8 Etats de l’UEMOA. La vérité d’une thèse, c’est son antithèse. Le panafricanisme est-il une panacée pour l’Afrique ? A l’analyse, non. Sur les 55 Etats africains, seuls trois sont de véritables démocraties : Le Botswana, l’Ile Maurice et le Cap-Vert. Une fédération de dictatures est-elle politiquement et économiquement viable ?  Le problème de l’Afrique est moins la forme de l’Etat que le système politique. Le berceau de l’humanité a un problème de bonne gouvernance, en termes de production et de redistribution des richesses. Comment comprendre que le pétrole est  une bénédiction pour les monarchies du golfe, mais une malédiction pour les Etats africains ? Le Qatar, les Emirats Arabes Unis sont des micro-Etats, mais économiquement prospères avec une influence diplomatique et médiatique à l’échelle mondiale. Par ailleurs, peut-on valablement prôner le panafricanisme dans un continent traversé, depuis l’indépendance, par des mouvements irrédentistes. Hier, c’étaient le Biafra au Nigeria, le Katanga au Zaïre (RDC), aujourd’hui, ce sont  l’Ambazonie, l’Azawad, la Casamance, la Kabylie, le Somaliland qui veulent se retirer respectivement du Cameroun, du Mali, du Sénégal, de l’Algérie et de la Somalie. Les guerres de sécession ont abouti à la création de l’Erythrée et du Soudan du Sud en rupture avec l’Ethiopie d’une part, et le Soudan d’autre part. Peut-on valablement parler de panafricanisme dans un continent où la l’idéologie de la préférence nationale gagne de plus en plus de terrain. Les théories nationalistes et souverainistes sont l’étendard politique  de nombreux hommes et partis politiques sur le continent. Il est récurrent de voir des Etats africains  chasser des ressortissants d’autres pays africains de leur territoire. Comment les panafricanistes transformeront-ils ces obstacles en opportunités ? Ces faiblesses en Forces ?  Les défis sont   énormes, himalayens, mais pas insurmontables. Il faut de la volonté et du courage politiques. C’est le philosophe français, Henri Bergson  qui écrivait « Le futur ce n’est pas ce qui va arriver, c’est ce que nous allons faire »

 

Geoffroy-Julien KOUAO

Politologue et Essayiste

Geoffroykouao@gmail.com