« Rompre le silence sur les avortements non sécurisés en Côte d’Ivoire » est le thème de la célébration de la Journée internationale de l’avortement sécurisé, célébrée ce mardi 28 septembre 2021. A cette occasion, Soro Aboudou, membre de IPAS Afrique Francophone et membre du conseil d’administration de ODAS, Organisation pour le Dialogue sur l’Avortement Sécurisé, dont les activités ont été lancées ce mardi 28 septembre 2021, à Abidjan, a estimé que la question de l’avortement « est resté longtemps comme un tabou. »
Il soutient qu’il « est important d’avancer sur l’information, le dialogue sur l’avortement », indiquant que « même si la volonté politique y est, il faut que le cadre légal suive. »
Soro Aboudou recommande « l’amélioration du cadre légal et des compétences » pour faire face au problème que pose l’avortement dans notre société. « Nous osons croire qu’ensemble, les acteurs pourront relever le défi du dialogue sur l’avortement sécurisé » a-t-il fait savoir.
L’initiative de la rencontre d’Abidjan qui permet ainsi le lancement de ODAS par IPAS Afrique Francophone revient à Action Contre les Grossesses non désirées et à Risque (AGnDR).
C’est une association de la société civile pour la santé de la reproduction et la planification familiale qui « fait le choix d’accentuer son « plaidoyer en faveur de la réduction du taux de mortalité maternelle en Côte d’Ivoire. »
Ramatou Diéro, qui représentait la première responsable de cette structure a rappelé que « le taux de mortalité maternelle qui était de 614 décès pour 100000 naissances vivantes en 2012, est passé à 645 décès pour 100.000 naissances vivantes en 2015 (PNDS 2016-2020). Selon la dernière enquête PMA 2020 réalisée courant 2018, 18% de la mortalité maternelle est lié aux avortements non sécurisés. »
Elle estime que « face à ce tableau peu reluisant pour l’image de notre pays, face à la Covid-19 et ses contingences, l’AGnDR, à travers ce dialogue entend créer un cadre de concertation constructif autour de la problématique des droits en santé sexuelle et reproductive, qui pourrait se résumer en l’absence d’une loi en matière de santé sexuelle et reproductive et à la non-conformité des dispositions 425, 426, 427,428 et 429 du code pénal ivoirien avec les dispositions de l’article 14 du Protocole de Maputo, ratifié par la Côte d’Ivoire et publié au journal officiel en 2012. »
Selon Ramatou Diéro, « la Côte d’Ivoire résiste au Protocole de Maputo », lequel prescrit « d’élargir, en plus de l’accès pour tous aux services de planification familiale, aux conditions d’accès aux services d’avortement en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste, lorsque la grossesse met en danger la santé mentale, psychique de la mère ou lorsque la vie de la mère et du fœtus est en danger. »
Tous les intervenants au panel ont partagé le même constat : la rigidité des textes nationaux surtout le code pénal de 2019 qui a admis en Côte d’Ivoire, l’avortement sous deux conditions, le viol et la mise en danger de la vie de la mère.
Mais, ont reconnu tous les participants, pour 99% des ivoiriens, l’avortement est interdit en Côte d’Ivoire.
Dans un pays où seulement le taux d’accès aux mesures contraceptifs est de 20%, bien loin des 80% du standard international, les praticiens ne font que prendre en charge les parturientes en situation post-avortement.
Dr Sosthène Dougrou, Directeur Afrique Francophone IPAS indique que « nous pensons qu’il faut parler, informer, dialoguer. Beaucoup de réactions ne sont pas une opposition mais n’ont pas la bonne information. »
Pour Dr Rosine Mosso, enseignant-chercheur à l’ENSEA, « l’accès aux soins d’avortement est difficile », révélant que « 46% des femmes qui ont avorté ont utilisé une source proche », « 59% ont choisi la méthode à cause du coût » et « 62% des cas d’avortement à haut risque -ont été enregistrés- avec un prestataire non clinique ».
58% des femmes ont subi des complications dont la fièvre et les douleurs utérines.
Pour éviter ce genre de désagrément, « la domestication du Protocole de Maputo » est recommandée par Pr Privat Guié, de la société de gynécologie obstétrique de Côte d’Ivoire, Mme Kaba Fofana Yaya de l’Observatoire national de l’égalité et du Genre qui a estimé que le Ministère de la santé, de l’hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, doit s’expliquer sur son mutisme.
« On ne réussit pas à leur mettre la main dessus pour explication ; le statut quo dure depuis des années » dénonce-t-elle et révèle que « la Côte d’Ivoire aurait dû produire son premier rapport sur le suivi du Protocole de Maputo en 2016 mais ne l’a pas encore fait à ce jour. »
Parmi les groupes sociaux réfractaires à la domestication du Protocole de Maputo, le clergé catholique ivoirien et l’organisation Vie humaine internationale, a soutenu Mme Kaba Fofana Yaya.
Pr Guié, a indiqué que pour éviter de « jouer aux pompiers » après les dégâts des avortements non sécurisés, « nous devons faire la prévention » dans un contexte où selon lui, « le nombre le plus important de femmes qui font des avortements sont les filles jeunes et intellectuels pour des raisons personnelles et qui n’auront pas accès à l’hôpital ou meurent avant de venir. »
Un avis qui rejoint celui de l’Imam Camara de l’Association des religieux pour la santé intégrale, qui préconise « la communication, qui mise en avant, évite le recours à l’avortement ».
Adam’s Régis SOUAGA